Baisse continue des prix de gros : quelles conséquences ? On le constate régulièrement : sur un marché, les intérêts des consommateurs et ceux des producteurs sont, par nature, divergents. Et si le marché européen de l’électricité, si souvent critiqué, était justement en train de remplir exactement le rôle pour lequel il a été conçu ? Les prix chutent fortement : autour de 50 €/MWh pour 2026, et 55 €/MWh en moyenne pour les quatre prochaines années — soit plusieurs dizaines d’€/MWh de moins que l’Allemagne. D’ailleurs, la présidente de la CRE, Emmanuelle Wargon estime que les prix vont probablement rester dans une zone stable, autour de 65-70 €/MWh (elle les voit déjà plus haut que ce que l’on constate – ou elle estime que le coût du nucléaire fixera la tendance) — ce qui, même si c’est un peu au-dessus des niveaux d’avant 2021, est très en deçà des prix de marché en période de crise. Entre novembre 2023 et aujourd’hui, près de 7 milliards d’euros par an ont été transférés du producteur nucléaire (EDF) vers les consommateurs. C’est une véritable bonne nouvelle, qui pourrait enfin favoriser un rebond de la consommation. Mais cet ajustement n’est pas sans conséquences. Le coût du soutien aux énergies renouvelables va mécaniquement augmenter. La situation financière de EDF va redevenir un sujet sensible, tout comme la viabilité des investissements à long terme dans le nucléaire ou les renouvelables. Les industries — qu’elles soient productrices ou consommatrices — voudront de la visibilité et de la stabilité pour planifier. Ce que rien ne peut garantir. Le marché semble donner les signaux qu’il était censé transmettre : des prix plus bas, un transfert de valeur vers les consommateurs et une augmentation de la consommation en conséquence ? Pour l’instant, une augmentation ne serait pas prévue dans le prochain bilan prévisionnel de RTE : bien au contraire, selon les Echos, RTE s’apprêterait à revoir à la baisse ses prévisions de consommation à l’horizon 2035 dans une fourchette de 505-580 TWh. Soit 60 TWh de moins par rapport à son scénario précédent.
À retenir : la France bénéficie d’un avantage avec des prix de l’électricité qui reflètent la capacité de son système de production d’énergie. Toutefois, pour favoriser une transition plus rapide vers l’électrification de l’économie, il serait nécessaire d’instaurer une fiscalité plus adaptée et cohérente. Or, actuellement, elle est plus favorable au fuel et au gaz naturel qu’à l’électricité (un rapport de 1 à 2 – environ 15€/MWh vs 30€/MWh). Les sénateurs essaient de corriger cette incohérence dans le projet de loi de finance. Deuxièmement, tous les consommateurs qui sont au TRV ne bénéficient pas de cette baisse de marché : le TRV est un indicateur en retard de l’état du marché. La baisse récente ne se verra qu’en février 2026 alors qu’elle est déjà proposé par les contrats en offre de marché. Pas si intéressant que ça le TRV ?

Bon à savoir

  • Régulation prudentielle : nouvelles règles de la CRE et guichet à blanc : la CRE a dévoilé les règles transitoires pour la régulation prudentielle des opérateurs d’énergie, afin de renforcer la stabilité du marché. Un “guichet à blanc” est ouvert pour permettre aux acteurs du secteur de tester leurs pratiques avant la mise en place des nouvelles exigences. Cette initiative vise à assurer une transition fluide tout en garantissant la solidité financière des entreprises et la protection des consommateurs.
    À retenir : cette régulation permettra aux consommateurs de pouvoir sélectionner un fournisseur qui aura couvert ses prises de position sur le marché de gros et sera donc à même de délivrer le volume d’électricité acheté au prix négocié 
  • VNU (Versement Nucléaire Universel). Le VNU est un compromis entre la nécessité de trouver un successeur à l’ARENH et le désir de maintenir une régulation du marché nucléaire — il offre un cadre que EDF et l’état souhaitaient plus équilibré : protéger les consommateurs sans empêcher EDF de financer ses centrales. Mais, dans les faits, ses avantages dépendent des cours du marché de gros : si les prix restent bas comme en ce moment, il n’apportera ni bénéfices à EDF ni économies aux consommateurs. Par ailleurs, les seuils du VNU ont été proposés dans un projet de décret à deux niveaux : 78 €/MWh et 110 €/MWh. Si les revenus d’EDF issus de la vente d’électricité nucléaire dépassent ces montants, une taxe s’applique : 50 % sur la part au-dessus du premier seuil et 90 % au-delà du second. C’est 50 % de plus que le prix actuel du marché de gros – le VNU est il obsolète avant d’avoir débuté ? 
  • Tribune dans les échos : cette tribune, pilotée par A. Pannier-Runacher, appelle la France à sortir des approches idéologiques pour adopter une stratégie énergétique entièrement guidée par un objectif simple : faire durablement baisser la facture des Français. Ils demandent la publication rapide de la nouvelle PPE et son déploiement concret sur le terrain, faute de quoi les investissements continueront à partir ailleurs. Selon eux, la France a tous les atouts pour redevenir une puissance énergétique — il ne manque plus qu’une stratégie claire et mise en œuvre sans délai.
  • Programmation pluri-annuelle de l’énergie (PPE). Dans la foulée de cette tribune et des échanges avec le parlement, le premier ministre annonce des décisions sur la PPE « avant Noël ». La question de la réduction des prix de l’énergie serait une « priorité » pour Matignon. Le Premier ministre a chargé, le 24 novembre, le ministre de l’Économie et de l’Énergie, de « travailler sur des scénarios visant à abaisser le prix de l’électricité pour les Français ». Le ministre en charge du pouvoir d’achat, a précisé qu’une baisse de 10% est envisagée. « Plusieurs options » sont à l’étude et seront soumises au Parlement, tant pour les ménages que pour les entreprises, dans le cadre de l’objectif de décarbonation (dont, par un effet de vases communicants, la baisse de l’accise de l’électricité – la CSPE – et la hausse de l’accise sur le gaz – la TICGN).

Les marchés :

  • Marché de gros de l’électricité : dans la continuité des tendances des dernières semaines, les prix pour 2026 (ainsi que ceux des années suivantes) continuent de baisser et se rapprochent des niveaux de 2021 (en dessous de 50€/MWh). Cette baisse moyenne doit notamment être contre balancée par un léger rebond vendredi, en dépit de la baisse du gaz ce même jour. Une partie de la baisse reste attribuée à une demande toujours en berne et les scénarii de RTE attendus plus bas que ceux de 2024. La spéculation sur les quotas CO2 est à surveiller car elle pourrait provoquer une inversion du marché (le CO2 atteint 83€/tonne contre 75€/tonne en juillet).
  • Marché de gros du gaz : Les prix à terme calendaire du marché de gros ont continué à baisser, en partie en raison des discussions en cours sur la fin du conflit en Ukraine. Les arrivées de gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe ont diminué, passant sous la barre des 4TWh par jour, en raison de la baisse rapide des prix sur le continent. En revanche, les prix restent plutôt stables en Asie, ce qui rend l’Europe moins attractive pour les navires transportant du gaz nature. Enfin, la demande de court terme est attendue à la baisse, les températures étant prévues supérieures à la moyenne dans les 2 prochaines semaines. Les stockages restent confortables en France (83% de remplissage ou 34% de la consommation annuelle) contre 75% en moyenne sur l’Europe.

Suivi des prix de marché de gros de l’électricité : Baseload (€/MWh) :

Années Clôture
  21/11/2025 28/11/2025  
2026 51,37 49,59
2027 53,77 51,85
2028 55,88 54,89

Suivi des prix de marché de gros du gaz : Marché TRF (Trading Region France) (€/MWh) :

Années Clôture
  21/11/2025 28/11/2025  
2026 28,20 27,13
2027 26,10 25,52
2028 24,08 23,75